Comité des 24 : la question du corps électoral est un capharnaüm sans nom

Nos représentants à l'ONU

 

Lors de sa conférence de presse du 24 juin 2014, après la réunion de la commission exécutive de l’Union Calédonienne, le bureau du mouvement a annoncé la participation de M. Roch Wamytan, aux côtés de M. Mickaël Forrest, à la session du Comité spécial de décolonisation des Nations Unies du 27 juin 2014 à New York.

Une participation qui s’inscrit dans un contexte particulier compte tenu du fait que la mission du Comité des 24 en Calédonie devait rendre ses conclusions à propos du problème du corps électoral et parce que pour la première fois un représentant des « Loyalistes » pétitionnait devant ce comité.

Monsieur le Président,

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Mesdames et Messieurs les membres du Comité spécial de décolonisation,

Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter M. le président (Xavier Lasso Mendoza) pour votre élection à la présidence du Comité spécial de décolonisation. Je voudrais aussi vous remercier de cette nouvelle occasion qui m’est donnée de m’exprimer devant cette assemblée en tant que signataire FLNKS de l’Accord de Nouméa de 1998 et, depuis les élections provinciales du 11 mai dernier, en tant que chef du Groupe UC-FLNKS et Nationaliste au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Aussi je tiens à vous renouveler mes sincères remerciements pour la mission de visite en Nouvelle-Calédonie d’une délégation du Comité des 24 et pour l’immense travail fourni à l’occasion de cette mission ainsi que pour la réalisation du rapport de mission.

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Monsieur le président, honorables membres du comité spécial

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Vous avez bien voulu entendre la voix du peuple colonisé portée par ses représentants au bureau politique du FLNKS et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, en acceptant de vous déplacer pour un si long voyage et si petit peuple perdu au milieu du Pacifique.

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Depuis de nombreuses années et plus particulièrement à l’approche du dernier mandat de l’accord ouvert avec les élections provinciales du 11 mai dernier, le FLNKS a maintes et maintes fois solliciter l’Etat Français et les partenaires de l’Accord de Nouméa, tant à Nouméa qu’à Paris au moment des réunions du comité des signataires sur le délicat problème de l’établissement de la liste électorale spéciale pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. Car nous étions persuadés, au vu des informations que nous faisaient parvenir nos délégués siégeant dans les commissions administratives chargées des révisions annuelles de la liste électorales spéciale, que figuraient sur ces listes des personnes ne respectant pas les critères pour y être inscrites. Ce que nous avons considéré comme anomalies puis tricheries ou fraude organisée, portait préjudice à un point clé de l’équilibre de l’accord de Nouméa, en l’occurrence le droit de vote, au risque de faire s’effondrer toute l’architecture de cet accord de décolonisation d’émancipation.

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A défaut d’être vraiment entendu par l’Etat français et le partenaire non indépendantiste, et eu égard à la gravité de ce problème, qui constitue en quelque sorte la « mère des batailles », nous nous sommes adressés à votre comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. La Nouvelle-Calédonie et sa population concernée, peuple kanak compris, font ainsi partie de vos préoccupations depuis son inscription sur la liste des pays à décoloniser en 1986. D’où, Mr le président, toutes les démarches que nous avons entreprises depuis octobre 2013 auprès de votre instance ici même à New York. Nous avions une ambition celle de vous faire venir chez nous afin de constater de visu ce que nous vous disions oralement ou dans nos nombreuses correspondances. Et votre comité a pris la décision d’organiser cette mission malgré les oppositions des partis non indépendantistes ou les prévisions et initiatives néfastes de tous ces oiseaux de mauvais augure jetant l’opprobre sur le bienfondé d’une intervention du comité de décolonisation des Nations Unies dans un territoire sous tutelle d’un pays européen.

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Toujours est-il que pour la quatrième fois consécutive depuis octobre 2013, nous sommes de nouveau devant vous, simplement et en toute humilité mais avec le cœur plein d’espoir pour vous remercier du fond de tout notre être d’homme océanien, œuvrant pour qu’un jour nos iles se libèrent enfin d’un système de domination anachronique.

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Cette mission de visite était historique et ô combien importante alors que nous venons d’entamer la dernière mandature de l’Accord de Nouméa, celle durant laquelle nous pourrions obtenir enfin le droit d’exprimer concrètement notre droit à l’autodétermination par la consultation électorale prévue dans cet accord de Nouméa. L’ensemble du dispositif de sortie de cet accord devant une fois pour toute « mettre fin à la parenthèse de 160 ans d’histoire du système colonial en Nouvelle-Calédonie », ce système qui a marginalisé et rendu minoritaire le peuple kanak dans son propre pays par une politique de peuplement pensée et organisée méthodiquement. Et cela dans un seul but : la non accession à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

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Après nous avoir rendus minoritaire dans notre pays, l’Etat français relayé par les partis non indépendantiste ne cesse de nous brandir le fait minoritaire kanak pour tracer : « la ligne rouge de l’indépendance interdite » face à la revendication légitime du peuple premier. A entendre les dirigeants français, on en conclue que cette ligne rouge interdite est nécessaire pour la défense des intérêts supérieurs de la France ainsi que de sa position au 2ème rang de puissance maritime au monde grâce à nous, habitants de ces territoires.

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A notre sens, cette ligne rouge de l’indépendance interdite s’est déclinée encore une fois autour de la problématique de l’établissement des listes de citoyens devant prendre part aux votes pour les élections provinciales de mai 2014. Ces élections, outre le fait de renouveler les institutions du pays, devaient aussi ouvrir la possibilité d’une première consultation électorale dès 2014 si les 3/5ème du congrès issus de ces élections le décident. Mais les résultats des élections, effectuées avec des listes qui ne respectent pas les critères requis, montrent une fois de plus que ce système devient, une arme contre le peuple colonisé, noyé à l’aide du vote par la colonie de peuplement.

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Ainsi la majorité qui se dégage d’un système « qui se veut et se dit démocratique » se retourne une nouvelle fois contre l’indépendance et l’autonomie que les indépendantistes ont pu obtenir de l’Etat au prix du sang versé de ses leaders. Ce système se nourrit d’apport de voix de la « colonie de peuplement » et continue de subsister entre les mains de ceux qui s’évertuent à empêcher, avec le soutien de l’Etat et, par des manouvres complexes, dont l’article 189 de la loi organique n’est qu’un exemple, que le peuple colonisé n’exerce son droit à l’autodétermination.

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Un autre exemple dans la ligne de ce principe de ligne rouge de l’indépendance interdite en agissant sur un droit de vote qui soit défavorable au peuple kanak réside dans l’ensemble du système de mise en place, de contrôle, et de révision du corps électoral spécial, régi par l’article 189 de la loi organique de 1999. Ce système a prouvé ces derniers mois qu’il ne fonctionnait pas, et que probablement sa complexité et ses abysses juridiques sans fin et sans issue ont été méthodiquement pensés pour ne pas fonctionner.

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Aussi pour avoir tenté de percer ces abysses juridiques par des recours tant au tribunal de première instance à Nouméa qu’à la Cour de Cassation à Paris, la commission politique et citoyenneté du FLNKS et du Parti travailliste n’a pratiquement rien obtenu à part de s’être fait condamné à payer 60 000 dollars US ! Une aberration de plus dans un capharnaüm sans nom.

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Ajoutons à ceci que l’empressement soudain des premiers résultats de rejet de la Cour de cassation sur 8 cas de recours que les tiers électeurs du FLNKS ont déposé il y a quelques semaines, à quelques jours du début de la session du Comité des 24, est bien évidemment lié à vos travaux M. le président. Le rapport de la mission de visite en Nouvelle-Calédonie devant être rendu publique durant cette session, ces résultats de la Cour de cassation avaient probablement pour objectif d’influencer les potentiels amendements au rapport que vous pourriez faire à quelques jours du début de la session.

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Aux vues de l’évolution ces derniers mois de la situation concernant le droit de vote pour les élections provinciales, il est impensable et inacceptable que ce système soit appliqué pour la mise en place du corps électoral, régi par l’article 218, et relatif à l’organisation de la consultation d’accession du pays à la pleine souveraineté.

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Car malheureusement ceci n’a plus rien de surprenant pour nous. Depuis des décennies la puissance administrante met en place ses propres règles du jeu, particulièrement sur le droit de vote, en renforçant la partie opposée à l’indépendance face au Peuple kanak. C’est tout le piège de la déclaration de la table ronde de Nainville-les-Roches qui a abouti au boycott du statut Lemoine en 1984. Puis l’Etat fait croire qu’il se retire du jeu qu’il a lui-même mis en place, et se positionne comme arbitre (ce sont les Accords de Matignon puis l’Accord de Nouméa). Or, les règles du jeu de l’Etat contraignent le Peuple kanak à prouver à chaque fois la véracité et la légitimité de ses droits qui pourtant lui sont reconnus par le droit international. Le peuple colonisé, victime du colonialisme, est celui qui doit prouver sa légitimité à exercer son droit. Comment peut-on penser une seule seconde qu’un tel système laisse une lueur d’espoir de liberté et d’avenir à la jeunesse kanak ?

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Enfin face à ces évolutions qui continuent à détériorer la confiance devant tant de manipulations tout azimuth, Il est important de souligner que les indépendantistes ne veulent pas d’un troisième accord, de type consensuel. Aussi j’invite le Comité de décolonisation à veiller et encourager à ce que cette consultation référendaire se fasse selon les principes du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et qu’elle comporte les options d’autodétermination telles que développées dans la résolution 1541 des Nations Unies au principe VI.

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Pour finir, je souhaiterai réitérer mes remerciements pour votre travail, votre soutien, et votre impartialité, en espérant sincèrement que l’objectif d’éradication du colonialisme, sera atteint.

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Je vous remercie


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