Corps électoral : l’Etat français ne respecte pas sa parole !

Une corps électoral590

Les différentes étapes pour aboutir au corps électoral gelé

 

1. Dans la loi du 9 novembre 1988

 

La loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 fait suite à la signature des Accords de Matignon. L’article 2 est à souligner ; il dispose que « Entre le 1er mars et le 31 décembre 1998, les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront appelées à se prononcer par un scrutin d’autodétermination, conformément aux dispositions de l’article 53 de la Constitution, sur le maintien du territoire dans la République ou sur son accession à l’indépendance.
— Seront admis à participer à ce scrutin les électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire à la date de cette consultation et qui y ont leur domicile depuis la date du référendum approuvant la présente loi.
— Sont réputées avoir leur domicile dans le territoire, alors même qu’elles accomplissent le service national ou poursuivent un cycle d’études ou de formation continue hors du territoire, les personnes qui avaient antérieurement leur domicile dans le territoire. »

 

2. Dans la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998

 

L’article 2 de la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 dispose que :

Dans le titre XIII de la Constitution, il est rétabli un article 76 dans la rédaction suivante : « Art. 76. – Les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les dispositions de l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 et publié le 27 mai 1998 au Journal officiel de la République française. Sont admises à participer au scrutin les personnes remplissant les conditions fixées à l’article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988. Les mesures nécessaires à l’organisation du scrutin sont prises par décret en Conseil d’Etat délibéré en conseil des ministres. »

 

3. La Loi organique du 19 mars 1999

 

Article 188

I. – Le congrès et les assemblées de province sont élus par un corps électoral composé des électeurs satisfaisant à l’une des conditions suivantes :

a) Remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998 ;

b) Etre inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection au congrès et aux assemblées de province ; […]

Article 189

I. – Les électeurs remplissant les conditions fixées à l’article 188 sont inscrits sur la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province. Cette liste est dressée à partir de la liste électorale en vigueur et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin.

 

4. L’interprétation du Conseil constitutionnel : le corps électoral est glissant

 

Dans sa décision n° 99-410 du 15 mars 1999, le Conseil constitutionnel revient sur la question des « 10 ans de domicile » et selon lui, ce laps de temps doit s’apprécier « à la date de l’élection (…) quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998 ».

Le conseil constitutionnel a ainsi jugé que le tableau annexe visé à l’article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 était celui qui intègre chaque année les « nationaux » français, au fil de leur arrivée en Nouvelle-Calédonie, que la date de leur établissement dans l’archipel soit antérieure ou postérieure au 8 novembre 1998.

Le chapitre 2 de la loi organique de 1999 définit donc un corps électoral glissant, puisque progressivement, dès qu’elles peuvent justifier de dix ans de résidence dans l’archipel, les personnes quittent le tableau annexe pour entrer dans le corps électoral spécial.

 

5. La loi constitutionnelle du 23 février 2007

 

La loi constitutionnelle n°2007-237 du 23 février 2007 modifie l’article 77 de la Constitution : cet article dispose : « Pour la définition du corps électoral appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, le tableau auquel se réfèrent l’accord mentionné à l’article 76 et les articles 188 et 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est le tableau dressé à l’occasion du scrutin prévu audit article 76 et comprenant les personnes non admises à y participer ».

 

6. En conclusion, le droit français a juridiquement reconnu que le corps électoral spécial est figé

 

Schématiquement, une personne arrivée avant l’Accord de Matignon de 1988 est électrice avec ses descendants. Une personne arrivée après l’Accord de Nouméa de 1998 ne sera jamais électrice. Pour ceux arrivés entre 1988 et 1998, il faut 10 ans de résidence continue ET être inscrits sur la liste électorale de 1998.

 

L’Etat français incapable d’impartialité sur la question du corps électoral

 

Le critère de l’inscription sur la liste électorale de 1998 n’est pas appliqué alors qu’il avait été exigé dans les négociations de l’Accord, et inscrit dans cet Accord, pour mesurer « l’ultime concession », faite par le FLNKS.

 

Avant les provinciales, et après plusieurs années de demandes répétées, le FLNKS et le parti travailliste ont demandé la révision des listes électorales, l’inscription des Kanak « oubliés » et la radiation de nombreux électeurs indûment inscrits, représentant plus de 6 % de la liste électorale.

 

Le tribunal de première instance de Nouméa a rejeté en bloc les recours, sans les examiner, alors que le tribunal de Koné au Nord a radié. Juridiquement, la question est la charge de la preuve que le tribunal entend laisser entièrement à la démonstration des tiers électeurs requérants, alors qu’ils n’ont pas le droit d’obtenir les pièces des commissions administratives électorales qui établissent les listes.

 

Les membres de la commission Politique et citoyenneté ont posé des recours devant la Cour de cassation pour trancher cette situation. Mais si la Cour de cassation confirme les critères de la citoyenneté et notamment l’exigence d’être inscrit sur la liste de 1998 pour les personnes arrivées entre 1988 et 1998, elle impose au juge et aux requérants des conditions de preuves presque impossibles à réunir pour justifier une radiation.

 

On sait que l’inscription de plus de 7000 personnes est contestable sur les quatre communes du Grand Nouméa et l’Etat entretient des conditions qui ne permettent pas de clarifier cette situation que les indépendantistes sont en droit de qualifier de fraude sur la composition du corps électoral spécial.

 

Sans employer ces termes, les conclusions de la mission des Nations Unies en Nouvelle-Calédonie sont éloquentes : « La mission souligne également qu’il importe que toutes les parties impliquées veillent à l’application intégrale de l’Accord de Nouméa en prenant de toute urgence des mesures sincères pour pallier les lacunes actuelles, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives au corps électoral restreint.»

 

La mission est d’avis que le mode de fonctionnement des commissions administratives spéciales doit être revu compte tenu des problèmes soulevés par de nombreux interlocuteurs, dont les magistrats eux-mêmes. »

 

Cette fraude électorale majeure des non indépendantistes est couverte par l’Etat, qui n’est pas un partenaire impartial. En réalité, l’Etat procède hypocritement au « dégel » du corps électoral. De là à considérer que l’Etat a décidé de recréer les conditions qui rendront les Kanaks encore plus minoritaires dans leur pays – comme le souhaitait la Premier ministre Pierre Messmer en 1972 – il n’y a qu’un pas…

 

La lettre de Pierre Messmer

  • Dans une lettre du 19 juillet 1972, Pierre Messmer, alors Premier ministre, écrit à son secrétaire d’État aux DOM-TOM :

    « La Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants.

    Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire. La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique.

    À court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés.

    À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants.

    Afin de corriger le déséquilibre des sexes dans la population non autochtone, il conviendrait sans doute de faire réserver des emplois aux immigrants dans les entreprises privées. Le principe idéal serait que tout emploi pouvant être occupé par une femme soit réservé aux femmes (secrétariat, commerce, mécanographie).

    Sans qu’il soit besoin de textes, l’administration peut y veiller.

    Les conditions sont réunies pour que la Calédonie soit dans vingt ans un petit territoire français prospère comparable au Luxembourg et représentant évidemment, dans le vide du Pacifique, bien plus que le Luxembourg en Europe.

    Le succès de cette entreprise indispensable au maintien de positions françaises à l’est de Suez dépend, entre autres conditions, de notre aptitude à réussir enfin, après tant d’échecs dans notre Histoire, une opération de peuplement outre-mer. »

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Interview de Gérard Reignier le 26/0/2014 from NC 1ère web on Vimeo.


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